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RUE PRINCIPALE

Au fait, pourquoi avait-elle dit qu’elle était désolée ? Ce n’était pas vrai, pas vrai du tout ! Lamarre, qui n’était certainement pas dupe, avait pris un petit air pincé.

— Oui je sais, le sergent de police !

— Comme vous dites, monsieur Lamarre, le sergent de police.

Il s’était retourné et était rentré dans l’établissement, en prenant bien soin de donner à sa démarche une petite allure dégagée et suffisante qu’il pensait sans doute de la dernière élégance. Pauvre monsieur Lamarre ! En y songeant, Ninette se prit à sourire. Elle ouvrit les yeux et les referma aussitôt. Décidément, cette fichue lampe du vestibule, il valait beaucoup mieux ne pas la voir, ne pas subir son aveuglant reproche !

Bob était venu la prendre à six heures. Ensemble ils étaient allés chez Gaston, où elle avait trouvé le potage un peu gras, les radis creux et la viande pas très tendre. Là, elle avait commis une maladresse : elle avait répété à Bob les propos de Lamarre. Son regard s’était durci.

— Celui-là, avait-il dit, il va bien falloir qu’un de ces quatre matins j’aille lui dire deux mots dans le tuyau de l’oreille !

— Voyons Bob, il ne faut pas oublier qu’il ne connaît pas grand monde à Saint-Albert ; il vient d’arriver et il s’ennuie un peu, ça se comprend.

— Oui ? Eh ! bien moi, je trouve qu’il tourne beaucoup trop autour de toi !

— Serais-tu jaloux, par hasard ?

— Non, mais tout de même, il ne faudrait pas que…

— Écoute Bob, sois gentil, veux-tu ? Parlons d’autre chose. Je n’y suis pas allée puisque je suis ici avec toi. Qu’est-ce que tu veux de plus ?