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III

où ninette cherche et trouve les raisons de sa lassitude

Ninette venait de rentrer. Elle se sentait lasse, beaucoup plus lasse que de coutume. Et pourtant il n’était guère plus d’onze heures. Elle se défit de son manteau qu’elle pendit sans soin, ce qui ne lui arrivait jamais, à une patère du vestibule ; posa son chapeau sur un meuble et se laissa choir dans le grand fauteuil du salon.

Pourquoi tant de lassitude ? Elle avait bien dormi la nuit précédente malgré la querelle avec Marcel ; elle s’était même éveillée près d’une demi-heure plus tard que les autres matins. Sa journée de travail au cinéma, dans sa cage vitrée, derrière ce guichet minuscule où elle voyait passer tant d’ongles sales, tant de doigts boursouflés, tant de paumes caleuses, s’était écoulée sans incident. La soirée avait été douce, sagement tranquille, et Bob l’avait ramenée de bien bonne heure. Alors pourquoi cette sensation de lourdeur qui lui faisait paraître comme un effort démesuré le geste d’aller éteindre la lumière qui brillait encore dans le vestibule, geste que pourtant sa nature de petite bourgeoise économe lui commandait impérieusement ?

— Mais qu’est-ce que j’ai ? se dit-elle. Il n’y a pas de raison. Je n’ai rien fait pour être fatiguée à ce point-là.

Elle ferma les yeux, parce qu’elle avait les paupières lourdes et aussi pour ne plus voir cette lampe du vestibule qui lui reprochait sa paresse.