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RUE PRINCIPALE

soit vraiment une. Mais il espère trouver bien vite et… et moi aussi.

— A-t-il des préférences, une vocation ? demanda monsieur Bernard qui, s’étant aperçu qu’un de ses canards était bossu, essayait, du bout de son pied gauche, de remédier à cette triste infirmité.

— Si je vous demande ça, poursuivit-il, c’est que j’ai quelques relations influentes, quelques amis hauts placés et que, peut-être, je pourrais l’aider, ce jeune garnement de frère qui fait pleurer sa jolie sœur.

— Non, il est assez indécis. Je crois qu’il aurait aimé pouvoir faire son droit : mais ça, nous n’en avions pas les moyens.

Un sourire de satisfaction éclaira le visage de monsieur Bernard. Ce n’était certes pas la réponse de Ninette qui l’avait fait naître ; mais il venait de réussir à effacer la bosse de son canard et à lui donner une allure de volatile normalement constitué. Il n’avait pas, pour si peu, perdu le fil de la conversation.

— Quel âge a-t-il, me disiez-vous ?

— Vingt ans.

Il y eut un silence. Monsieur Bernard répéta deux ou trois fois « vingt ans, oui… vingt ans », puis, ayant décapité son canard d’un coup de talon, il se tourna vers Ninette et dit :

— J’en ai une, moi, de situation à lui offrir. Oh ! rien de définitif, rien de merveilleux ! Mais en attendant que… qu’il se trouve ou que je lui trouve quelque chose de mieux, je pourrais lui offrir, disons une quinzaine de dollars par semaine pour m’aider à cataloguer ma bibliothèque.

— Mais… mais ce serait magnifique !

— Dites à votre frère de venir me voir cet après-