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LES LORTIE

— Je t’en prie, fit-elle, ne te mêle pas de ça. Tu dois savoir, Marcel, que je suis très bien capable de me défendre toute seule. Seulement, pour avoir la paix, je ne vois qu’une chose à faire, c’est de lui laisser le champ de bataille à lui tout seul.

Elle détourna la tête.

— C’est un peu de ma faute, poursuivit-elle. Je l’ai encouragé un peu plus que je n’aurais dû. Je ne voulais surtout pas que Bob puisse croire que si je ne sortais pas avec lui, je devrais rester chez nous. Alors…

— Oh ! je sais bien, interrompit Marcel. T’as pas besoin de t’expliquer : il y a longtemps que j’ai compris tout ça. Puis le plus bête de l’histoire, c’est que le petit jeu que tu jouais avec Lamarre, Bob le jouait avec Suzanne. Vous êtes aussi enfants l’un que l’autre !

— Marcel !

— Oui, certain ! Vous vous rongez le foie chacun de votre bord, alors qu’il serait si simple de vous expliquer une bonne fois ! C’est pourtant pas possible, bonguienne d’affaire ! qu’il survienne pas quelque chose pour vous ouvrir les yeux, vous faire mettre votre fierté de côté, puis vous remettre ensemble une bonne fois !

— Écoute, Marcel, je sais ce que…

— Ce que tu as à faire ? Oui, je sais bien que tu le sais ! Tu l’as toujours su d’ailleurs ! Mais c’est pas ça qui t’empêche de faire une folle de toi ! Oui, certain ! T’es ma sœur, Ninette, puis on se ressemble. Moi aussi je me suis souvent cru plus fin que les autres ; mais je me suis aperçu que c’était pas mal les autres qui étaient plus fins que moi. Je voudrais bien que tu t’aperçoives de ça toi aussi, un de ces jours !

Ninette s’était dressée. Ce qu’elle avait demandé à Marcel, c’était son appui matériel pour la