XXXII
où l’éclatement d’un pneu devient un bienfait de la providence
— Dans le monde, pouvez-vous me dire ce qui se passe chez Sénécal ?
— C’est assez drôle, cette affaire-là ! Ça fait trois jours que le magasin est fermé.
— Le chum[1] de ma sœur, qui travaille à la gare, lui a dit hier au soir que Léon Sénécal était parti pour les États, avec tout son bagage. C’est pas un petit voyage, certain : il paraît qu’il avait au moins une bonne douzaine de valises !
— Vous avez pas vu ça, non ? Y a un ouvrier qui est en train de gratter son nom de sur la vitrine !
— Aurait-il vendu ?
— Tout d’un coup de même ? Je me demande bien ce qui lui a pris ?
Dans Saint-Albert, depuis trois jours, on n’entendait que conversations de ce genre. Le mystère Sénécal était à l’ordre du jour. Et comme le temps n’apportait aux curieux aucune explication pouvant les satisfaire, la flamme de leur intérêt, loin de s’éteindre, s’avivait d’heure en heure.
— Il est parti pour plus revenir, certain, disait un jeune employé de banque à sa mère ; il a retiré tout l’argent qu’il avait chez nous.
Et le notaire Bluteau, après avoir avalé une dernière gorgée de café, dit à la notairesse, tout en tendant le bras pour atteindre les cure-dents :
- ↑ ami, amoureux.