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RUE PRINCIPALE

prêta un tablier et un bonnet, le prit comme marmiton, et lui enseigna les rudiments d’un art où l’on ne récolte guère d’applaudissements mais où l’on mange à sa faim.

Voilà comment Gaston était devenu cuisinier. Comment il était allé s’établir à Saint-Albert, ferait le sujet d’une histoire sans grand intérêt. Qu’il nous suffise de savoir qu’après vingt-cinq ans de résidence et vingt ans de naturalisation, il en était devenu l’un des citoyens les plus influents et, comme nous le disions tout-à-l’heure, l’un des plus affables.

Quand Bob et Ninette poussèrent la porte, ils entendirent Gaston qui claironnait à la troisième table de droite :

— Oh ! mais vous savez, entre nous mon cher, il n’est pas né d’hier le maire Lefrançois ! C’est un malin qui sent bien que la soupe est chaude et que s’il se représente il va se faire battre comme du blé ! Alors peuchère ! sans blague ! il préfère se retirer avec les honneurs de la guerre et… et l’argent de ses contribuables ! Ça ne peut pas durer, cette situation ! Les gensses ont beau être bons, ils ne sont tout de même pas idiots et ils commencent à s’apercevoir qu’on les vole ! Parce qu’on les vole, hé ! ça j’en ai les preuves !!!

— Tiens, tiens ! se dit Bob, on dirait que Mathieu avait raison : le maire ne se représentera peut-être pas.