— Alors comme ça, fit-il, à cinq heures juste, dès que mademoiselle Décarie sera arrivée, nous filons ?
— Si vous voulez, dit-elle, mais j’aurais pourtant voulu passer chez-moi, au moins pour changer de robe.
— Mais pourquoi ? Celle-ci est délicieuse.
Ninette sentit l’inutilité de discuter davantage.
— Soit, dit-elle, je donnerai un coup de téléphone à Marcel pour le prévenir que je ne souperai pas à la maison, et pour lui dire d’aller manger chez Gaston. Ce n’est pas plus difficile que ça.
Elle se leva et se dirigea vers la porte.
— Je vous en prie, dit Lamarre, pas encore ! Il vous reste cinq grosses minutes.
— Peut-être, répondit-elle, mais il me reste aussi beaucoup de choses à faire.
— Et moi, reprit le directeur, avec beaucoup de gravité, il me reste à vous parler d’une chose tellement sérieuse !
Le ton surprit Ninette qui, la main sur la clinche de la porte, s’arrêta brusquement.
— Sérieuse ?
Il hésita, posa longuement sur elle ce regard perçant, qui l’avait tant gênée dans les premiers temps et qui la gênait encore, puis demanda :
— Me promettez-vous de ne pas répondre non avant de m’avoir entendu jusqu’au bout ?
— Oh oh ! dit-elle, c’est si terrible que ça ?
— Terrible ? Jamais de la vie ! Au contraire, ça pourrait être délicieux si vous vouliez.
— Si je voulais, René ?
— Mais bien sûr, reprit-il, ça ne dépend que de vous. Tenez, regardez.
Parmi les paperasses qui encombraient son bureau, il prit une lettre qu’il tendit à Ninette.
— C’est une lettre du bureau-chef, expliqua-t-il.