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RUE PRINCIPALE

Sénécal eut un haut-le-corps.

— Pris ! fit-il. Te rends-tu compte de ce que cela veut dire ?

— Je ne me rends compte de rien, dit-elle ; je constate un fait, c’est tout.

— Je ne sais pas à quoi tu as pensé ! éclata Sénécal au comble de l’énervement ; je ne sais pas où tu avais la tête pour laisser traîner ce papier-là dans ta sacoche ! Tu ne t’imagines pas que c’est intelligent, non ?

Suzanne, froidement, répondit :

— C’est certainement tout aussi intelligent que de laisser traîner des papiers derrière les cadres.

Ces mots, lancés négligemment, eurent sur Sénécal un effet analogue à celui que pourrait faire, sur un pensionnaire agité d’un asile d’aliénés, la traditionnelle douche d’eau glacée. Il se calma comme par magie.

— Voyons Suzanne, dit-il, tu es sûre que tu n’as pas laissé traîner ta sacoche quelque part ?

— Non, dit-elle, non, je ne l’ai laissée traîner nulle part. Tu penses bien que j’ai essayé de me rappeler tout ce que j’avais fait depuis vendredi ; mais j’ai beau faire, je ne vois pas du tout qui aurait pu me prendre ce papier-là, ni où il pourrait avoir été pris.

— Ce qu’il y a de pire, fit Sénécal, c’est qu’on ne peut rien faire !

— Attendre, dit-elle. Si les coups arrivent, on essaiera de les parer. C’est tout.

— S’il en est encore temps ! conclut Sénécal.

Pendant quelques instants, ils marchèrent sans mot dire. Ils avaient atteint et dépassé le moulin, lorsque Suzanne reprit la parole.

— Toi, dit-elle, qu’est-ce que tu as l’intention de faire à propos de Jeannotte ?