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XXV

une surprenante conversation au bord de l’eau

La première partie du plan élaboré, par monsieur Bernard, pour permettre à André Lamarche de quitter le pays sans être inquiété, tout en assurant la réhabilitation totale de Marcel, avait été mise à exécution sans anicroche. André, muni du viatique que lui avait donné monsieur Bernard, avait pu quitter Saint-Albert aussitôt après les funérailles de sa mère.

Le lendemain du départ d’André, un peu après huit heures du soir, à très peu de distance du vieux moulin, Léon Sénécal, le col de son pardessus relevé, les mains dans les poches, marchait nerveusement, de long en large, comme un homme attendant quelqu’un qui manque décidément de ponctualité. L’air était relativement doux et le ciel charriait de gros nuages, entre lesquels apparaissait, de temps à autre, une lune presque pleine : ce qui permettait chaque fois à Sénécal de vérifier l’heure à son bracelet-montre.

Son impatience touchait à la colère, lorsqu’il vit enfin une silhouette quitter la grand route pour s’engager dans le sentier conduisant au moulin. La silhouette s’approcha rapidement, se retourna comme si elle voulait être sûre que nul ne l’avait vue quitter la route, et arriva à hauteur de Sénécal, qu’elle aborda avec un bonsoir aussi frais que la brise qui soufflait du fleuve.

Suzanne Legault, car c’était elle, n’était certes pas venue là pour son plaisir.