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LES LORTIE

lièrement bien remplis, était venu, sur le pas de sa porte, humer l’air frais du soir et sentir, comme il disait volontiers, le temps qu’il allait faire…

— Voyons, se dit-il, c’est pourtant pas possible que le sergent soye pas encore là !

Et en pensant ainsi, il contemplait, étonné, la place qu’aurait dû occuper, à côté de la boîte aux lettres, la silhouette élégante et athlétique du sergent de police Robert Gendron. C’est que Bob ne manquait jamais, les jours impairs de la semaine, de venir s’adosser au réceptacle destiné à recevoir le courrier confié à la poste de Sa Majesté, dès que sonnait la sixième heure.

Il se postait là, comme une sentinelle, et ne quittait pas des yeux la marquise illuminée du cinéma Agora, sous laquelle, quelques minutes plus tard, apparaissait celle qu’il venait ainsi attendre tous les lundis, mercredis et vendredis : la blonde, la jolie Ninette, première caissière du théâtre.

Mais l’étonnement de Mathieu fut de courte durée. La silhouette familière approcha, Bob porta la main au bord de son feutre mou et esquissa, à l’adresse du boucher, un sourire amical avant de prendre son poste d’observation.

— Bonsoir sergent, dit Mathieu. On prend l’air ?

— Bonsoir Mathieu. Ça va ?

— Ben, ça va pas mal. Les affaires sont tranquilles un peu, mais la santé est bonne.

— C’est le principal.

— On sait ben, on sait ben… Mais dis-moi donc, Bob, pendant que j’y pense là, toujours pas de traces du gars du hold up ?[1]

Le hold up ! Depuis quelques jours personne, à Saint-Albert, ne semblait trouver d’autre sujet de conversation. Un soir de la semaine précédente,

  1. Vol à main armée.