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LES LORTIE

— Arrêté, n’aies pas peur de le dire !

— Oui, quand tu as été arrêté, je n’en ai pas dormi pendant… pendant je ne sais pas combien de jours. J’aurais bien voulu aller te voir, mais je ne savais pas comment m’y prendre ; et puis, je n’étais pas sûre que ça te ferait plaisir. Je n’ai pas osé.

Mais il fallait oser, ma petite Fernande.

— Oh ! sois tranquille, je me suis arrangée pour avoir de tes nouvelles tous les jours. Et au procès, j’étais là. Tu ne m’as pas vue, mais j’y étais. Quand Sénécal est venu témoigner contre toi, je pleurais de rage dans mon coin. Puis ensuite, quand ça a été fini, quand tu as été acquitté, j’ai eu une envie folle d’aller te féliciter, d’aller…

— Pourquoi n’es-tu pas venue ?

— Je ne sais pas. J’ai eu peur, je me suis sauvée. Et puis après, j’ai cru que tu allais me téléphoner, que tu allais…

— Je n’ai téléphoné à personne, Fernande ; je n’ai vu personne. Aujourd’hui, le hasard t’a mise sur mes pas et, crois-moi, j’en suis très heureux, très content.

Elle eut un minable sourire. N’allait-elle pas, en effet, avec l’aveu qu’elle s’apprêtait à faire, abdiquer beaucoup de sa fierté de jeune fille ? Mais que lui importait !

— Ce n’est pas, dit-elle, tout à fait le hasard qui m’a mise sur tes pas. Quand je t’ai vu passer tout à l’heure, quand je t’ai vu sortir de la ville, je t’ai suivi de loin.

Et comme il marquait de l’étonnement, elle s’empressa d’ajouter :

— Oh ! je sais bien que je n’aurais pas dû. Ça ne se fait pas.

Mais vite il protesta :