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RUE PRINCIPALE

— Eh oui, Marcel, ça continue, répondit monsieur Bernard. Il n’y a qu’une chose à faire, téléphoner au magasin de fer et demander qu’on vienne remplacer la vitre.

— Ben oui, ben oui, reprit la femme de ménage, mais ça n’a pas de bon sens de casser une vitre de même toutes les nuits !

— Pas beaucoup, en effet, admit le vieillard. Mais consolez-vous, madame Messier, consolez-vous ! Ils pourraient venir en casser deux toutes les nuits ; ça coûterait encore plus cher.

Et madame Messier, que le calme de son patron semblait irriter davantage, s’en alla en faisant claquer la porte et en invoquant, peut-être un peu plus que de raison, les saints du paradis.

— Et toi, Marcel, demanda monsieur Bernard, t’a-t-on encore renversé ta bouteille de lait ?

Oui. Et ça n’est pas tout.

— Voyons ! Auraient-ils trouvé quelque chose de neuf ?

— Oui, monsieur Bernard.

— Ça m’étonne. Je ne pensais pas qu’ils avaient tant d’imagination ! Qu’est-ce que c’est ?

Marcel lui tendit la demi-feuille de papier qu’il avait trouvée épinglée sur sa porte. Monsieur Bernard la lut, la lui rendit et dit, tout souriant :

一 Il n’y a pas à dire, ils sont bien aimables, tu ne trouves pas ?

— Je ne sais pas comment vous avez le cœur de prendre ça en riant, monsieur Bernard.

— Marcel, mon petit ami, en vieillissant il y a une chose que tu apprendras certainement : c’est que tout s’arrange dans la vie. On n’a jamais le droit de désespérer complètement. Un jour, je te raconterai peut-être mon existence : je te dirai à la suite de quels deuils, de quelles catastrophes, j’en