Mais ne vous y trompez pas ! Si Saint-Albert ne se trouve sur aucune carte, dans aucun guide, il aurait fort bien pu y être, car il ne diffère en rien des autres centres québécois de quelque importance.
Il y a d’abord, comme partout, une artère principale, qui n’est en somme que le tronçon municipal d’une grand route provinciale, et qui se distingue surtout des deux rubans de ciment qui vont, l’un au nord-est et l’autre au sud-ouest, se perdre dans la campagne, par une qualité de pavement fortement inférieure. À Saint-Albert, ce tronçon de route s’appelle rue Principale, comme il s’appelle ailleurs rue de l’Église, avenue Wilfrid Laurier ou, personne ne sait pourquoi, place du Marché, sans qu’il y ait pour ça de notable élargissement de la chaussée.
Saint-Albert se distingue encore, ou plutôt ne se distingue pas, par la franche laideur de deux de ses églises, la timide beauté de la troisième et l’étrange cocasserie de la dernière. Quoiqu’il y ait quatre paroisses — et quatre échevins — la ville se divise nettement en trois. Il y a d’abord, pour le voyageur venant de Montréal, le quartier coquet des résidences riveraines du grand fleuve. Maisons d’inégale importance, construites et peintes avec plus ou moins de goût, entourées de pelouses où, deci-delà, se découpe le rectangle noirâtre d’un tennis, et où, l’été, viennent respirer des montréalais que les relents d’asphalte surchauffé et les parfums d’échappement ont chassés de chez eux.
Vient ensuite, entre l’avenue de la Gare et la rue Saint-Nicolas, le quartier des affaires et des petits bourgeois besogneux, le cœur de la cité, comme disent, avec une pointe d’orgueil, ceux qui croient en l’avenir magnifique de leur ville. Puis, vers Sorel, le troisième tiers, plus sombre