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— Je suis reine, dit la femme, et tu es mon mari. Veux-tu bien y aller à l’instant même ? Va, si elle a pu nous faire rois, elle peut nous faire empereurs. Va, te dis-je. »

Il fallut qu’il marchât. Mais tout en s’éloignant, il était troublé et se disait en lui-même : « Cela n’ira pas bien ; empereur ! c’est trop demander, la barbue se lassera. »

Tout en songeant ainsi, il vit que l’eau était noire et bouillonnante ; l’écume montait à la surface, et le vent la soulevait en soufflant avec violence : il se sentit frissonner. Il s’approcha et dit :

Tarare ondin, Tarare ondin,
Petit poisson, gentil fretin,
Mon Isabeau crie et tempête,
Il en faut bien faire à sa tête.

« Et que veut-elle donc ? dit la barbue.

— Ah ! barbue, dit-il, ma femme veut devenir impératrice.

— Retourne, dit la barbue : elle l’est maintenant. »

L’homme revint sur ses pas, et, quand il fut de retour, tout le château était d’un marbre poli, enrichi de figures d’albâtre et décoré d’or. Des soldats étaient en nombre devant la porte ; ils sonnaient de la trompette, frappaient les timbales et battaient le tambour ; dans l’intérieur du palais, les barons, les