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aperçut le tailleur avec deux bons yeux, sa conscience se troubla. « Avant qu’il cherche à se venger de moi, se dit-il, il faut que je lui tende quelque piège. »

Mais souvent on tend des pièges à autrui pour s’y prendre soi-même. Le soir, après son travail, il alla secrètement chez le roi et lui dit : « Sire, le tailleur est un homme orgueilleux, qui s’est vanté de retrouver la couronne d’or que vous avez perdue depuis si longtemps.

— J’en serais fort aise, » dit le roi ; et le lendemain il fit comparaître le tailleur devant lui, et lui ordonna de rapporter la couronne, ou de quitter la ville pour toujours.

« Oh ! se dit le tailleur, il n’y a que les fripons qui promettent ce qu’ils ne peuvent tenir. Puisque ce roi a l’entêtement d’exiger de moi plus qu’un homme ne peut faire, je n’attendrai pas jusqu’à demain, et je vais décamper dès aujourd’hui. »

Il fit son paquet ; mais en sortant des portes, il avait du chagrin de tourner le dos à cette ville où tout lui avait réussi. Il passa devant l’étang où il avait fait connaissance avec les canards ; la vieille cane à laquelle il avait laissé ses petits était debout sur le rivage et lissait ses plumes avec son bec. Elle le reconnut tout de suite et lui demanda d’où venait cet air de tristesse. « Tu n’en seras pas étonnée quand tu sauras ce qui m’est arrivé, » répondit le tailleur ; et il lui raconta son affaire.