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montés de croix étincelantes. Il pouvait désormais compter les feuilles des arbres, suivre le vol des oiseaux et les danses des mouches. Il tira une aiguille de sa poche et essaya de l’enfiler ; en voyant qu’il y réussissait parfaitement, son cœur sauta de joie. Il se jeta à genoux pour remercier Dieu de sa miséricorde et faire sa prière du matin, sans oublier ces pauvres pécheurs pendus au gibet et ballottés par le vent comme des battants de cloche. Ses chagrins étaient loin de lui. Il reprit son paquet sur son dos et se remit en route en chantant et en sifflant.

Le premier être qu’il rencontra fut un poulain bai brun qui paissait en liberté dans une prairie. Il le saisit aux crins, et il allait monter dessus pour se rendre à la ville ; mais le poulain le pria de le laisser : « Je suis encore trop jeune, ajouta-t-il ; tu as beau n’être qu’un petit tailleur léger comme une plume, tu me romprais les reins ; laisse-moi courir jusqu’à ce que je sois plus fort. Un temps viendra peut-être où je pourrai t’en récompenser.

— Va donc, répondit le tailleur ; aussi bien je vois que tu n’es qu’un petit sauteur. »

Et il lui donna un petit coup de houssine sur le dos ; le poulain se mit à ruer de joie et à se lancer à travers champs en sautant par-dessus les haies et les fossés.

Cependant le tailleur n’avait pas mangé depuis la veille. « Mes yeux, se disait-il, ont bien retrouvé le