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retourna encore pour lui répéter : « Cette fois, tu es bien repue ? » Mais la chèvre ne le reçut pas mieux que les autres ; elle lui répondit :

Comment aurais-je pu manger ?
De tout le jour je n’ai fait que sauter,
Sans voir un brin d’herbe à brouter,
Bé bé !

Le tailleur, en entendant cela, fut bien surpris ; il reconnut qu’il avait chassé ses fils injustement. « Attends, dit-il, ingrate créature ! ce serait trop peu de te chasser aussi ; je veux te marquer de telle sorte que tu n’oseras jamais te montrer devant d’honnêtes tailleurs. » Et en un instant il saisit son rasoir, savonna la tête de la chèvre et la rasa nue comme la main ; et, comme l’aune lui aurait fait trop d’honneur, il prit le fouet, et lui en donna de telles cinglées qu’elle s’enfuit en faisant des sauts prodigieux.

Le tailleur, se trouvant tout seul chez lui, tomba dans un grand chagrin. Il aurait bien voulu rappeler ses fils ; mais personne ne savait ce qu’ils étaient devenus.

L’aîné s’était mis en apprentissage chez un menuisier. Il apprit le métier avec ardeur, et, quand il eut atteint l’âge voulu pour faire sa tournée, son maître lui fit présent d’une petite table en bois commun et sans apparence, mais douée d’une pré-