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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

aboutissent à réinventer le papier-monnaie, est-ce un motif pour croire que les formes du crédit aient atteint chez nous tous les perfectionnements et tous les développements qu’il est raisonnable d’espérer ? Évidemment non. Ni pour les industriels aisés, ni pour la masse laborieuse, le crédit, malgré les immenses services que rendent les institutions actuelles, n’offre encore la somme de facilités que le travail intelligent peut en attendre. On n’est pas plus utopiste en tenant ce langage qu’on ne l’eût été à réclamer des perfectionnements au crédit à une époque où la Banque de France n’était encore que la Banque de Paris, ou bien à l’époque toute récente où aucun des grands instruments de crédit qui fonctionnent depuis dix ou quinze ans n’existait encore. Tout le monde n’admet-il pas aujourd’hui par exemple l’utilité du Comptoir d’escompte ? Tout le monde ne reconnaît-il pas que les billets de 100 fr. et de 200 fr., si combattus à l’origine, sont pour ainsi dire indispensables ? Pourquoi tout serait-il fait et parachevé aujourd’hui ? Ne suffit-il pas de comparer ce qui existe dans d’autres pays en ce genre pour être convaincu de la possibilité d’améliorer et d’étendre chez nous la sphère du crédit ?

Est-ce en augmentant la part d’intervention de l’État qu’on réalisera ce mieux désirable ? Est-ce en resserrant les liens du monopole ? C’est au contraire par une plus grande latitude laissée aux opérations et à l’esprit d’entreprise. Non qu’il ne faille demander aux banques plus de garanties qu’à la masse des industries. Il s’agit seulement de savoir si les causes qui justifient ces précautions deviendront des prétextes au monopole et à des entraves arrêtant l’essor du crédit. Selon nous, les restrictions doivent se présenter et se motiver à titre exceptionnel. En dehors des choses défendues par la loi morale, l’absence de liberté n’a jamais le droit, de notre temps, de se donner pour la règle.