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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

à dire ici, c’est que les rapports des jurés attestent une vive réaction contre les brevets, et que cette réaction va assez loin pour que M. Arthur Legrand, auteur du rapport sur cette question, se soit rendu l’organe d’un grand nombre d’exposants en demandant l’abolition pure et simple des brevets. La législation actuelle, digne sans doute d’être approuvée dans son but, spécieuse dans les raisons qu’elle invoque, adoptée par plusieurs grandes nations, a le grave défaut, révélé par l’expérience, de faire plus de mal que de bien. À parler rigoureusement, l’inventeur a-t-il d’autre droit que celui d’exploiter sa découverte et d’en tirer tel parti qu’il pourra ? Que si la société juge l’inventeur digne de récompense et se charge elle-même de l’indemniser et de le rémunérer, cela ne saurait avoir lieu que sous la réserve de ne pas spolier les autres producteurs et inventeurs. Comment ne pas objecter contre la législation des brevets que les mesures destinées à favoriser les inventeurs laissent en dehors de leur protection les plus vraies et les plus grandes inventions, les découvertes scientifiques ? Comment ne pas rappeler que les plus importantes inventions industrielles de notre temps se sont faites en dehors de ces mesures ? Il est certain qu’on n’arrive pas à dissiper les doutes qui s’élèvent sur les véritables inventeurs, et que la législation des brevets est devenue, comme on l’a dit, un vrai nid à procès. Tous les brevetés, tous les industriels ne le savent que trop ! Nos manufacturiers se plaignent hautement de voir subitement apparaître des brevetés qui les rançonnent sans avoir rien inventé de sérieux, et de payer sans raison valable des primes quelquefois assez fortes pour leur interdire la possibilité de lutter sur les tiers-marchés avec les manufacturiers étrangers. Les vices de la législation sont à peu près généralement reconnus. Peut-on faire beaucoup mieux ? Cela parait douteux, lorsqu’on songe quels hommes éminents et compétents ont pris part à la