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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

facile au commerce le redressement des griefs contre les Compagnies de chemins de fer par la voie des poursuites judiciaires. La responsabilité est la loi de tout ce qui a une existence individuelle ou collective à tous les degrés. Nul corps ne doit être assez puissant pour s’y soustraire. Soutenir le contraire, c’est trahir l’intérêt présent des Compagnies, lesquelles ont un avantage certain à satisfaire le public pour augmenter leur clientèle ; c’est trahir en outre leur intérêt futur et celui du public tout entier du même coup, car c’est appeler la main de l’État sur cette exploitation : moyen peu sûr d’atténuer les inconvénients du monopole quand un seul maître sera à la fois juge et partie, et que cet unique exploitant aura dans sa main la publicité et les tribunaux !

S’il y a des monopoles inévitables, et il est difficile de ne pas donner ce nom jusqu’à un certain point aux chemins de fer, tant est incomplète la concurrence que leur font d’autres moyens de transports, s’il y a des règlements inévitables aussi et même désirables qui agissent à l’égard de ces monopoles comme tempéraments et correctifs, peut-on en dire autant d’autres monopoles et d’autres règlements ? Ce qu’on paraissait généralement peu soupçonner, ce que l’expérience atteste, et ce que reconnaissent aujourd’hui les jurés français, c’est que l’industrie souffre beaucoup moins des excès que des lacunes de la liberté qui lui est laissée. Ces restrictions ont un double inconvénient ; elles empêchent de faire, et elles sont cause de bien des imperfections dans la manière de produire. Les Anglais ne se décident qu’à la dernière extrémité à sacrifier la liberté du travail. Ils comptent sur la vigilance de la part du consommateur et sur les calculs de l’intérêt bien entendu chez le producteur. Cette façon de considérer les choses, même en face d’abus réels, les trompe rarement. Chez nous on va tout de suite à la loi. On empêche un plus grand bien pour empêcher un moindre mal ; on ne veut