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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

rance parfois grossière, même chez les hommes politiques ?

Les lacunes de l’enseignement primaire peuvent-elles être, au reste, un secret pour personne depuis la grande enquête ouverte en décembre 1860 ? Cette enquête a produit plus de six mille Mémoires, dont douze cent sept ont été réservés par les académies avec la note bien et dont cent quatre-vingt-douze ont été désignés à l’examen de la commission instituée pour juger le concours. Comment nier, après tant de preuves irrécusables, d’abord que l’instruction primaire a besoin d’être plus répandue, ensuite qu’il faut qu’elle soit rendue plus usuelle ? Améliorer la situation des instituteurs, qui reste trop souvent au-dessous de celle d’un bon ouvrier, voilà un des moyens les plus indiqués pour obtenir un bon personnel. N’est-ce pas une grande misère que les fonds si libéralement accordés à d’autres ministères soient mesurés d’une main si parcimonieuse à un service dans lequel toute dépense utile est un placement magnifique qui se résout en augmentation du capital intellectuel, moral et matériel du pays ? Mais comment déterminer les familles à imposer l’assiduité aux enfants, tandis que jusqu’à présent elles-mêmes les en détournent ? Faut-il s’en fier au besoin de jour en jour mieux senti de l’instruction ? Faut-il recourir à l’action directe du compelle intrare ? Les deux cinquièmes des Mémoires envoyés par les instituteurs au concours réclament l’emploi de l’enseignement obligatoire. Ses partisans s’appuient sur la supériorité éclatante de l’instruction primaire chez les peuples qui en font une obligation. Ils soutiennent que les peuples les plus exigeants en fait de liberté, comme les Américains et les Suisses, n’ont pas cru déroger à leurs principes libéraux en adoptant une mesure contre laquelle nul ne songe à réclamer. Bien des scrupules, surtout quand on se place en présence de la nécessité des sanctions pénales, combattent chez nous un système qui exonère la famille