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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

travail a marqué chacun des pas de la liberté civile et des progrès de la civilisation. Elle a accru sans cesse le nombre des propriétaires dans les campagnes et dans les villes, Eh bien ! qu’on se dise qu’elle n’a pas achevé son œuvre. Il reste à la liberté économique à se montrer sous un aspect moins mélangé de mal. Dans ses âpres luttes, elle a détruit en même temps qu’elle fondait. La chute des monopoles, celle des divers privilèges, celle des corporations, ont été des opérations douloureuses. La chute du système prohibitif excite encore quelques rumeurs et quelques plaintes … Les luttes si fécondes de la concurrence ont eu leur côté meurtrier. Les petits métiers sont tombés sous les coups redoublés de la grande manufacture. Les femmes ont pleuré sur leur rouet inutile et sur leur foyer désert. L’isolement du travailleur a été fréquemment une triste réalité, et si, dans la généralité des industries, les salaires sont allés pour lui croissant, le chômage, la maladie et la vieillesse l’ont trop souvent pris au dépourvu. L’association se présente à notre génération comme correctif et complément, association des individus, association des capitaux ! Que le cri de ralliement des travailleurs au XIXe siècle soit le même que celui qui fut au XVIIe siècle le cri de guerre du travail individuel ayant à conquérir ses franchises « Laisser-faire, laisser-passer ! » La plus grande liberté dans la plus grande sociabilité, c’est à ce trait, s’il plaît à Dieu, que l’avenir se distinguera du passé qui n’a connu guère que la liberté inhabile à s’organiser, ou que l’association revêtant des formes oppressives.