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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL.

viner tous les besoins et tous les moyens de leur donner satisfaction de la façon la plus avantageuse pour les autres et par conséquent pour nous mêmes. Enfin, ces producteurs savent qu’ils ne peuvent communiquer à leurs travaux isolés toute la puissance imaginable que par une entente mutuelle, c’est-à-dire qu’en ajustant leurs productions les unes aux autres. Voilà donc encore une autre manière dont l’harmonie s’établit ! Voilà comment il se fait que l’intérêt accomplit en ce monde l’office de la fraternité la plus ardente, comment il accomplit même beaucoup mieux sa tâche que ne le ferait la fraternité, malgré tout ce qu’on peut alléguer avec raison contre les écarts et les imperfections qui servent d’ombre à ce tableau  !

Il est, en vérité, temps que la démocratie renonce à faire de la réglementation par philanthropie. Nous ne ferons que constater un fait en remarquant que, sous Louis-Philippe, les républicains n’étaient pas les moins protectionnistes. Quand ils sont arrivés au pouvoir, ils n’ont songé à détruire ni le monopole de la boulangerie, ni l’échelle mobile dont la suppression a empêché il y a deux ans la disette. On eût dit qu’en portant atteinte à toutes ces combinaisons législatives, ils craignaient d’affamer le peuple, comme si l’expérience n’avait pas établi déjà que la liberté le nourrit mieux que la réglementation qui y est fort impuissante et qui va contre son but, par cette raison que si elle est fixe, elle s’accommode mal avec les faits qui sont mobiles, et que si elle est mobile, le commerce ne sait sur quoi compter et ne se tient pas prêt à des opérations qui peuvent être dérangées par le jeu variable des tarifs. Necker ne croyait-il pas, lui aussi, travailler dans l’intérêt des masses lorsqu’en 1789, conformément aux idées d’autorité philanthropique qu’il opposait au laisser-passer des économistes, il faisait, dans la fausse prévision d’une récolte incomplète, acheter à