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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

seulement une ville telle que Paris qui compte près de deux millions d’habitants, trouve à satisfaire chaque jour, à chaque heure, des multitudes de besoins qui se renouvellent sans cesse et se diversifient à l’infini dans leurs degrés comme dans leurs nuances pour chacun des individus dont se compose cette vaste population. Qui donc réalise, ont-ils demandé, un tel miracle quotidien ? Est-ce l’administration ? On sait qu’elle ne vend presque que le tabac, ce qui forme une bien petite partie des choses que consomment même les amateurs les plus passionnés de ce produit dont l’habitude n’est profitable qu’au fisc. Est-ce la police qui sème, laboure, travaille le fer, etc. etc., et qui finalement apporte les denrées au marché ? Non, certes. Comment croire pourtant que c’est sur l’anarchie individuelle que l’on se reposera pour assurer l’alimentation d’une population nombreuse, alimentation qui ne pourrait manquer trois jours de suite ou se faire trop incomplétement sans qu’il en résultât des maladies terribles et sans doute une révolution ? Eh bien ! ne sait-on pas néanmoins que ce miracle s’opère par l’esprit et par les mains de tout le monde, sans la moindre contrainte ; que ce chaos se débrouille tout seul ; que le peuple parisien ne nomme aucun dictateur pour veiller à ce qu’il soit nourri, ce qui fait qu’il l’est à peu près convenablement. Comment donc, si l’harmonie manquait à ce concours d’efforts qu’on qualifie d’anarchiques, un tel résultat serait-il atteint avec cette exactitude qui tient de l’infaillibilité ? C’est le mobile le plus attaqué, l’intérêt personnel, source, dit-on, de tout désordre, qui explique aux yeux de l’économie politique cette harmonie si féconde. Ceux qui produisent ont intérêt, l’intérêt le plus pressant, à épier, à devancer, à satisfaire les besoins de ceux qui consomment, et comme nous sommes à la fois producteurs et consommateurs nous mettons tous l’attention la plus empressée à de-