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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL.

ment à courir à la fois le même but. Que nos jeunes Français fassent le contraire de ce qu’ils font ordinairement, qu’ils n’aillent pas où va la foule, que le cultivateur reste au champ, que nos compatriotes cessent d’obéir à des traditions déplorables et d’ambitionner tous une fonction publique, depuis celle de ministre jusqu’à celle de garde champêtre ; que ceux qui ont peu de capital, peu de talents industriels, ne veuillent pas non plus à toute force être fabricants, alléchés par la vue des fortunes qui se sont faites dans la fabrique. Le salut de la société est dans l’application ferme et sensée du conseil donné par le poëte : quid valeant humeri. Enfin, la protection aux faibles peut-elle consister à livrer la société, que celle-ci soit démocratique ou non, à la merci des incapables ? La sottise et l’erreur ont-elles un droit à se faire payer une indemnité ? Non, le malheur même, le malheur ne saurait être indemnisé sans ôter à la crainte de se ruiner une partie de l’énergie salutaire qui prévient seule la plupart des ruines. La société serait victime de ces combinaisons énervantes qui ont pour commun caractère de faire payer les frais des folies ou des fausses manœuvres par ceux qui ne les ont pas faites. Que cela semble humain au premier abord, soit, mais au fond, ce serait dur et tyrannique. La société, innocente de ces erreurs et de ces fautes, la société laborieuse et économe se ruinerait pour empêcher la ruine de quelques-uns dont le nombre ne pourrait aller qu’augmentant. Un tel déplacement des responsabilités naturelles serait immoral en soi et funeste dans ses effets.

Je dis à la démocratie laborieuse de notre temps vous voulez l’éclosion des vocations, le classement hiérarchique des capacités, la réalisation de la maxime  : À chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres. Ce n’est pas par un mandarinat ayant la haute main sur chacun qu’on y arrivera. Laissez donc. laissez à Pla-