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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

on peut soutenir que le marché appartient à ceux qui le fournissent le mieux, à ceux qui agréent le mieux aux consommateurs. Prétendre que le marché appartient au plus voleur, cela peut être l’amusement d’un quart d’heure de conversation, le paradoxe d’un homme d’esprit. Le bon sens répond qu’avec les arguments de ce genre, on aura beau jeu aussi contre la propriété, contre la famille. La vérité est que le commerce loyal, probe, honnêtement habile, l’emporte à la longue et presque toujours sur le commerce sans honneur. C’est là un axiome sur lequel il semble puéril de contester. La concurrence peut entraîner les faibles et les besoigneux à des manœuvres déloyales. Mais le cas général, c’est qu’elle pousse la masse des concurrents à l’emporter par la loyauté comme par le reste. Donc le principe démocratique: l’empire aux plus dignes et aux plus capables, reçoit satisfaction par la concurrence. Cet autre principe démocratique, qu’il faut que tout le monde vive, et vive en homme, me paraît également satisfait par cet appel fait à un nombre considérable d’individus de venir déployer leurs forces dans une arène ouverte à tous. La liberté du travail multiplie les moyennes et les petites entreprises. Où le monopole aurait mis des ouvriers, elle fait des maîtres.

Si la concurrence n’était attaquée que par les adversaires radicaux et systématiques, qui proposent de l’effacer d’un trait de plume, et de placer le monde économique refait de fond en comble sur une autre base, comme M. Louis Blanc par exemple, qui a tracé dans son livre de l’Organisation du travail la satire la plus absolue et la plus sanglante du régime de la concurrence que l’on ait peut-être écrite, sans en excepter Fourier lui-même, nous pourrions nous borner à répondre : « O démocrates, les souffrances réelles causées par la concurrence, ce qu’il y a de violent dans ses chocs, d’immoral quelquefois dans ses