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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL.

sur la presse, qui invoquait des mesures préventives, Royer-Collard disait : « Dans la pensée intime de la loi il y a eu de l’imprévoyance, au grand jour de la création, à laisser l’homme s’échapper libre et intelligent au milieu de l’univers. De là sont sortis le mal et l’erreur. Une plus haute sagesse vient réparer la faute de la Providence, restreindre sa libéralité imprudente, et rendre à l’humanité sagement mutilée le service de relever enfin à l’heureuse innocence des brutes ! … Juste punition d’une grande violation des droits publics et privés qu’on ne puisse la défendre qu’en accusant la loi divine ! … » Ces paroles s’appliquent à la liberté du travail aussi bien qu’à toutes les autres libertés.

On ne se contente pas de nos jours d’adorer la centralisation ; on attaque la concurrence, on veut la détruire ou la restreindre artificiellement. La concurrence, c’est le nom impopulaire de la liberté. Je demande à présenter ici aux écoles dites avancées quelques réflexions bien simples. Au fond qu’est-ce qu’un tel procès, sinon le procès fait sans justice, je dirais sans respect et sans piété par une fille à sa mère ? La libre démocratie est-elle autre chose en effet que la concurrence en œuvre ? La démocratie, c’est le pouvoir mis au concours, c’est le principe du mérite personnel primant toutes les supériorités héréditaires et toutes les combinaisons instituées en vue d’une nécessité réelle ou prétendue d’ordre public. Comment comprendre que les choses changent de face quand c’est de l’industrie qu’il s’agit ? Supposer la liberté du travail sans la concurrence, c’est supposer pour chaque producteur un marché illimité ; il suffit en effet que deux hommes choisissent la même carrière pour qu’ils soient placés vis-à-vis l’un de l’autre en état de rivalité. Au lieu de deux hommes placez-en mille, l’effet sera le même en redoublant d’intensité. Je dis que c’est inévitable, je me hâte d’ajouter que c’est démocratiquement excellent. En règle générale,