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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL.

officiels, avait pour conséquence de la part de l’État le droit de réglementer, pour ainsi dire, à chaque pas l’exercice des droits qui émanaient de lui. Il paraissait juste, et il l’était jusqu’à un certain point, qu’une corporation qui ne devait qu’à l’autorité le privilége d’exercer exclusivement une industrie, ne l’eût que sous certaines conditions. Le monopole a dans la réglementation sa rançon inévitable. L’énormité des droits actuels de mutation vient de l’idée que l’État est propriétaire éminent. De là toutes les chaînes qui ont longtemps pesé en commun sur la propriété et sur le travail. Comment donc la tentation de faire servir l’esprit réglementaire au plus grand avantage des faibles et des pauvres, ne serait-elle pas encore aujourd’hui le mirage de la démocratie ? – Mirage trompeur ! toutes ces mesures manquent leur but ; elles troublent le travail, elles inspirent des espérances illimitées autant qu’illusoires à ceux qui doivent en profiter ; elles leur ôtent l’énergie, la prévoyance, le ressort intérieur. Que de mal n’ont point fait les fixations philanthropiques de salaires, les mesures de maximum, inspirées par une pensée de charité ou de popularité ! Les salariés en ont souffert plus que les entrepreneurs, les pauvres en ont pâti plus que les riches.

Qu’on cesse d’abuser au nom de la démocratie de ces maximes spécieuses, mais plus fausses encore, qu’il vaut mieux prévenir que réprimer, et que le droit de l’État est supérieur au droit des individus. La maxime, qu’il vaut mieux prévenir que réprimer est vraie moralement, je le reconnais, dans une très-large mesure. L’éducation est elle-même un grand système préventif. Mais pour être vraie politiquement, il faudrait que ceux qui sont chargés de prévenir les écarts des autres ne fussent pas eux-mêmes exposés à toutes les erreurs et à toutes les faiblesses de la condition humaine. C’est.ce que nous n’accorderons à personne. En-