Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
INTRODUCTION.

ici, c’est d’un monde vivant. Ce n’est pas le marteau, la scie, la lime, la machine de métal, l’outil inanimé, qui m’intéressent, c’est l’homme, c’est l’homme seul, l’homme qui les met en jeu par son intelligence, l’homme pour qui ces choses travaillent. Voilà d’abord comment il est permis, désirable même que le sentiment de la fraternité, de la charité, pénètre dans l’économie politique. Autrement, nous en avons la preuve, on risquera d’émettre des propositions qui révolteront à la fois la conscience humaine et le sentiment démocratique.

Mais il s’agit de la fraternité déposée dans la loi. Nulle pente n’est plus glissante. La charité, toute charité, d’après certaines critiques, est exclue systématiquement par l’économie politique, qui craint que l’habitude du secours n’engendre l’imprévoyance et la paresse. Cela est faux d’abord pour la charité privée, pourvu que ses secours soient intelligents. L’économie politique admet qu’il reste à la charité bien des plaies à panser de sa main délicate. Allons plus loin : le sentiment de la fraternité mutuelle est nécessaire pour adoucir bien des chocs entre les capitalistes et les ouvriers, entre les riches et les pauvres. Si une réciproque bienveillance ne préside à leurs relations, il ne faudra pas trop compter sur les calculs de l’intérêt bien entendu : la haine s’envenimera, les révolutions viendront infailliblement. Le secours mutuel intéressé est la base de l’économie politique ; mais l’assistance désintéressée est comme l’huile qui empêche les ressorts de trop crier et même de se briser. C’est au sujet de la fraternité dans la loi, de la charité exercée conséquemment par voie de contrainte, que s’élèvent les difficultés. L’économie politique