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L’ÉCONOMIE POLITIQUE ET LA DÉMOCRATIE.

fraternité admirable, je lui restitue son nom divin, je l’appelle la charité. Devant cette charité je m’incline ; mais on ne peut exiger que l’économie politique aille lui demander ses inspirations habituelles. C’est une vertu haute et rare. Elle ne saurait être l’inspiration de tous les instants et de tous les actes. Elle ne saurait suppléer à tout dans un monde où Dieu a placé l’intérêt personnel comme un mobile énergique qu’il faut contenir et non supprimer. Quelle gloire n’est-ce pas déjà pour le monde du travail et de la richesse tel que la science nous le découvre, d’être la réalisation de la justice dans l’ordre des intérêts !

Et pourtant, je ne saurais refuser même dans cet ordre de faits toute part à la fraternité, à la charité. Quoi qu’on puisse faire, les sciences morales et sociales ne sont pas les mathématiques, et la méthode mathématique n’aboutit qu’à les fausser. Mettons ces sciences, avant tout, sous la garde sévère de la méthode d’observation éloignons tout ce qui trouble le pur regard de l’esprit ; mais ne craignons pas d’avouer que c’est un vif, un profond, un fraternel intérêt porté à la destinée humaine chez les plus pauvres qui nous inspire et nous soutient dans de telles études. Qu’on ne dise plus, qu’à force de nous occuper des produits nous perdons de vue les producteurs. Qu’on sache bien que pour l’économiste il n’y a point de capital abstrait, de production abstraite mais des hommes. Qu’on sache qu’il n’y a point pour lui seulement de l’or, du fer, de la houille, de la laine, des objets, en un mot, tout matériels, mais qu’il y a des hommes ! Non, ce n’est pas d’un monde mort qu’il s’agit