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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

historique du genre humain, n’a pas cessé de se montrer conquérante par les lumières acquises peu à peu, par le bon gouvernement d’elle-même qu’elle a trop souvent appris à ses dépens ; c’est cette liberté responsable qui a tour à tour soumis la nature extérieure et triomphé des préjugés, des ignorances, des erreurs, des oppressions, lesquelles ne lui ont pas fait moins obstacle que les forces physiques qui l’accablaient et dont elle s’est emparée pour les faire servir à ses triomphes.

Le progrès du bien-être que nous souhaitons à la démocratie, et dont nous avons cherché à indiquer les conditions les plus générales, n’est pas tout.

« Si les hommes parvenaient jamais à se contenter des biens matériels, il est à croire qu’ils perdraient peu à peu l’art de les produire, et qu’ils finiraient par en jouir sans discernement et sans progrès »[1]. Oui sans doute, et nous en avons une triste preuve dans l’état de la Chine, pétrifiée dans une immobilité qui, une fois certaines satisfactions atteintes, a tout engourdi. Mais loin de nous de telles prophéties Tout ce qui élève, grandit, avive, étend l’âme, est nécessaire à la démocratie moderne et ne lui fera pas défaut. L’industrie humaine n’a de valeur elle-même que parce qu’elle permet à cette flamme divine, obscurcie et accablée par le besoin, de briller davantage, et de s’élever plus haut. Que ce soit là le but de nos efforts ; que ce soit là la règle de nos jugements dans ces grandes questions que soulève la démocratie contemporaine.

FIN
  1. M. de Tocqueville : Démocratie en Amérique, t. III.