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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

encore, telles que la proportion beaucoup plus grande dans laquelle le pain figurait comme substance alimentaire, enfin l’absence d’une hygiène convenable, rendaient les famines des fléaux épouvantables, emportant, en une année, le quart, le tiers même de la population d’une province[1]. Il n’était pas rare alors de voir des grains atteindre dix, quinze et jusqu’à vingt fois leur prix moyen. On ne saurait donner le nom de famine aux crises de subsistances qui ont frappé notre pays depuis le commencement du XIXe siècle, en 1812, en 1817, en 1847 et en 1853. À ces diverses époques, le maximum du prix du blé n’a jamais dépassé trois fois son prix normal. À quoi tient une différence si essentielle entre les deux époques, si ce n’est, outre l’accroissement de la sécurité pour le commerce des blés, à plus de liberté produisant plus de solidarité, et réalisant une sorte d’assurance mutuelle qui, grâce au perfectionnement des voies de transport et à l’extension du commerce extérieur, établit beaucoup plus qu’autrefois l’équilibre entre les productions des différents territoires.

Nous avons un criterium infaillible pour juger de la réalité du progrès économique accompli au profit de la masse, c’est l’accroissement de la vie moyenne.

Ce n’est là ni un de ces faits douteux, ni un de ces résultats médiocres qu’il soit permis de négliger. C’est un fait certain, et, du point de vue économique, un résultat immense, qui suppose et résume tous les progrès. Or, la vie moyenne a augmenté d’une manière extraordinaire. Depuis un peu plus de soixante ans, d’après des calculs statistiques auxquels il faut au moins attribuer une valeur comme indication, la réduction de la mortalité, proportionnellement à la population, se serait accrue de près d’un tiers.

  1. Sur les misères du passé, lisez le livre de M. V. Modeste sur la cherté des grains, et l’ouvrage de M. A. Feillet : La Misére au temps de la Fronde.