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INTRODUCTION.

seule, la vraie, c’est l’égalité dans la liberté même, l’égalité dans le droit commun, qui entraîne à sa suite un certain degré, mais un certain degré seulement d’égalité dans les conditions. Pour sentir que cet antagonisme de la liberté et de l’égalité n’existe pas, il suffirait de jeter les yeux sur les nations qui possèdent la plus grande liberté au sein de l’égalité la plus complète, comme la Suisse, la Belgique, les États-Unis. À Rome même, dans cette Rome antique qu’on cite quelquefois comme un argument en faveur de ce prétendu antagonisme, les conquêtes de l’égalité ont été successivement arrachés par la liberté à l’orgueil patricien, forcé de concéder par degré l’admissibilité de tous les citoyens aux magistratures civiles et militaires. Est-ce que chaque période, chaque année presque qui s’écoule, ne signale pas quelque décisif progrès de l’égalité en Angleterre ? Ne s’y développe-t-elle pas à la suite de la liberté de discussion et de réunion la plus entière dont jamais nation ait joui ? Entre le développement de l’un de ces deux principes et celui de l’autre, l’écart peut être plus ou moins prolongé, l’attraction est mutuelle et invincible. Une égalité que la liberté ne garantirait pas ne tarderait pas à s’affaisser sur elle-même et à disparaître sous le goût des faveurs et des privilèges que le despotisme entraîne. L’égalité serait rompue au profit de l’indignité et de la bassesse voilà tout. L’économie politique serait en contradiction avec l’une des nécessités logiques les plus inévitables ; comme elle sacrifierait l’un des plus grands biens de la vie humaine si elle rejetait ou subordonnait l’égalité après avoir adopté la liberté comme principe. Mais, encore une fois, de quelle égalité nous