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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Ce que nous avons dit de l’état de la propriété foncière suffirait déjà à indiquer un accroissement de ressources et de bien-être pour cette classe moyenne qui a sa part dans la propriété agricole et sa forte part dans la propriété immobilière qui se compose de maisons. On a pu remarquer qu’au lieu de 22,000 familles riches par la possession du sol, il y a quarante ou cinquante ans, on en compte 44,000 aujourd’hui. Beaucoup appartiennent à la classe moyenne. Cependant on identifie plus généralement la bourgeoisie, dont les rangs sont ouverts à tous, avec la possession de cette richesse dont le déplacement s’opère plus vite, dont le mouvement offre quelque chose de plus précipité. La bourgeoisie représente avant tout la classe manufacturière, la classe commerçante. Eh bien ! pendant cinquante années durant lesquelles, à quelques lacunes et à quelques éclipses près, ont régné, régné surtout beaucoup plus que par le passé, la paix, la liberté générale, la justice, le respect des lois, le commerce extérieur a quintuplé, l’industrie quadruplé ses produits.

La preuve qu’aujourd’hui c’est la masse populaire qui voyage et trafique le plus, c’est que la recette faite par les chemins de fer provient pour la très-grande partie des voyages de 2e et de 3e classe et des marchandises à bon marché.

La comparaison de l’état présent avec l’état passé des classes ouvrières a été tracée trop souvent dans ses traits généraux pour que, j’y insiste beaucoup. Les misères de l’ouvrier des corporations ont laissé un long souvenir ; il serait plus profond encore si tout ne s’oubliait vite, et le mal plus encore que le bien. Rien du moins n’humilie plus l’ouvrier moderne. Dans la mesure où il se garde le respect, il l’obtient. Il a, sous la sanction sévère de la gêne ou de la misère, s’il abuse de son libre arbitre, le sentiment et le libre usage de sa force qui lui permettent de s’élever à une condition meilleure. Cette condition,