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DU PROGRÈS.

propriété sur une très-grande échelle. Un tel état de choses a donné grâce à l’énergie persévérante et à l’esprit d’épargne des petits propriétaires ruraux, un grand développement à la richesse agricole. Aujourd’hui même c’est du côté de l’association agricole volontaire aussi, dont les mœurs sont encore à créer, c’est vers la recomposition moins entravée des domaines moyens qu’il faut se tourner pour empêcher de se produire cet excès du morcellement des cultures dont plusieurs publicistes ont exagéré la portée sans mesure, mais qui n’est pas moins réel et moins préjudiciable sur plusieurs points du territoire[1]. Cependant, si en général le principe de propriété individuelle a été placé très-haut par la Révolution, il a été aussi trop sacrifié par l’extension du domaine communal. La jouissance en commun, déplorable système, fut appliquée au dixième du territoire français, quantité heureusement fort réduite aujourd’hui ; cinq millions d’hectares de terres vaines et vagues, disputés avant la

  1. Un brillant apologiste du Progrès, dans le livre qui porte ce titre, M. Edmond About, nous paraît s’être jeté dans l’excès en accusant le morcellement et la loi de succession qu’il en rend responsable, à tort selon nous. Cela peut étonner surtout chez un écrivain démocrate qui est bien loin de vouloir le rétablissement du droit d’aînesse et des substitutions. En dehors de ces deux conditions, ou tout au moins de la seconde, nous ne voyons pas pourtant ce que la liberté absolue de tester pourrait faire pour reconstituer la grande et la moyenne propriété, qui sont si loin de manquer en France. Le remède à l’excès du morcellement est dans la diminution des droits de mutation, dans le goût des valeurs mobilières, nouveau chez les paysans, dans le développement général de l’industrie et de l’instruction, enfin dans la tendance qui porte les fortunes faites dans le commerce par l’acquisition de la terre. Comptons aussi pour une notable part sur l’association agricole. Et avec tout cela la France, suivant sa destination naturelle, restera en général un pays de petite culture.