Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

tance même. C’est là le vrai sens de la pensée de Montesquieu disant que la religion chrétienne, qui ne semble avoir d’objet que la félicité de l’autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci. C’est là le sens du Discours célèbre dans lequel Turgot, qui ne parle là, comme ailleurs, qu’en philosophe, et d’une façon toute profane, explique les progrès de l’humanité avant tout par la transformation lente, il est vrai, indirecte souvent, mais certaine, qu’une religion nouvelle a fait subir au monde ancien. On peut ajouter sans doute à ces influences morales d’autres influences : la race, le climat, la disposition des lieux, l’inévitable action du théâtre sur l’acteur ; mais la vérité de cette proposition que la conception générale adoptée par un peuple sur la destinée humaine détermine son état industriel, la quantité, je dois ajouter encore la bonne et équitable distribution de sa richesse, se justifie en fait comme par le raisonnement. On peut affirmer, dès aujourd’hui, que plus la religion qui domine la masse nie l’homme, c’est-à-dire sa liberté, son importance dans le monde, plus le développement industriel est anéanti. Ainsi, les boudhistes tiennent le dernier rang. Les musulmans occupent déjà une place un peu plus élevée. Parmi les populations chrétiennes, qui obtiennent incontestablement la première, le premier rang appartient à celles qui échappent à la fois au matérialisme et à l’influence énervante de la théocratie dont l’effet, en Italie, en Portugal, en Espagne, partout où elle a régné, a été d’écraser la liberté, l’activité humaine sous le poids d’une autorité extérieure. L’empire de la terre appartient aux populations chrétiennes qui maintiennent énergiquement les droits de la personnalité, les droits de la conscience, les droits de l’esprit, les droits de l’action libre. Par là se confirme une fois de plus, d’une manière éclatante, l’influence incontestable, immense, des directions que suit la pensée humaine sur le progrès économique.