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DU PROGRÈS.

propriété de l’État. Je suis un homme. Y eut-il jamais une plus grande nouveauté à faire entendre à un citoyen, à un esclave ! Veut-on se faire une idée de l’abîme que de tels sentiments mettent entre les hommes, entre les peuples ? Que l’on compare, aujourd’hui même, celles des nations occidentales chez lesquelles le sentiment de la valeur, de la responsabilité individuelle est affaibli, avec celles où il règne à des degrés divers, mais avec une incontestable énergie. Chez les unes, quelle insuffisance de richesse, quelle médiocre industrie ! Chez les autres, quel puissant développement économique, quel énergique déploiement de toutes les puissances morales et matérielles ! Bien plus, comparez une civilisation avec une autre, la civilisation occidentale avec la civilisation orientale, avec l’Inde par exemple. L’Indien est convaincu que l’homme n’est qu’un mode, un accident fugitif de la substance universelle. Un inerte panthéisme l’accable. Toute sa foi se réduit au néant des œuvres. Aussi où est l’histoire de l’Inde, où sont, veux-je dire, ses annales régulières, où est son industrie, j’entends une industrie mettant en œuvre les forces mécaniques et entreprenant en grand de soumettre la nature aux besoins de l’homme ? À ces questions, l’Inde répond par le néant. Ainsi, tout se tient dans l’homme. Une conception religieuse ou philosophique, religieuse surtout, parce que la religion exerce chez les peuples une influence beaucoup plus universelle que la philosophie, une conception d’ensemble sur le sens et le but de la destinée humaine, conception qui semble ne devoir donner lieu qu’à des conséquences spirituelles, en produit d’immenses dans l’ordre temporel, et par suite dans l’ordre économique. Je ne vois à cela, d’ailleurs, aucun mystère. On agit parce qu’on croit. Or, l’industrie, comme toutes les autres manifestations, n’est qu’un mode de l’activité générale déterminée dans toutes ses directions par certaines idées, par certains sentiments devenus en quelque sorte notre sub-