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DU PROGRÈS.

circulation constitue à lui seul comme une science moderne. Le crédit est une découverte qui ne pâlit devant aucune autre. Il n’a pas fallu moins d’esprit sans doute pour inventer le billet de banque que l’éclairage au gaz, et la lettre de change, les virements de parties et tous ces autres procédés techniques que le crédit emploie revendiquent leur place à côté de la vapeur, à laquelle ils sont comme moyens d’échange, comparativement à la monnaie, ce que la vapeur est elle-même comme moyen de transport, relativement aux chevaux et à la voile. La diffusion des connaissances, l’instruction générale et professionnelle ne sont pas des faits moins importants, moins utiles au progrès de la richesse, à la répartition du bien-être la plus favorable au grand nombre. Il faut appliquer à la science ce qui est vrai du soleil. C’est en brillant dans le ciel qu’il éclaire, mais c’est en faisant pénétrer ses rayons dans le sein de la terre qu’il l’échauffe et la vivifie. On peut comparer au contraire ces nobles sciences qui ornent l’esprit humain sans servir à la société, à ces belles étoiles dont l’éclat est si pur, mais qui ne nous envoient aucune chaleur.

Prétendra-t-on que l’intelligence, qui a tant découvert dans le monde physique, qui a tant inventé, tant appliqué dans l’ordre matériel, est restée exactement au même point dans la connaissance du monde moral ? Je sais que c’est la thèse des personnes qui nient ou restreignent à l’excès la doctrine du progrès. Pour la soutenir, on vous montrera chez quelques sages de l’antiquité des idées fort élevées sur Dieu et sur la nature humaine. Armé de ces textes, on accablera vos prétentions au progrès sous le poids de cet axiome humiliant Nihil sub sole novum. Y a-t-il donc indiscrétion à demander combien il y a eu de ces sages chez les anciens, si pénétrés de la dignité de notre nature ? L’homme moderne, si nous attachons nos yeux sur les masses, se fait une idée incomparablement plus élevée, et