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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

intérêts ? On sait quel fut dans le passé l’état des sociétés qui ne présentaient qu’un médiocre développement de richesse et d’industrie. Ou la barbarie qui admet bien aussi à sa manière ces raffinements dont on gémit, et qu’on impute grandement à tort à une industrie avancée ; ou une civilisation étroite, concentrée, pour ainsi dire, dans quelques individus, et dont les masses retenues dans l’enfance et plongées dans la misère, si ce n’est dans l’esclavage, étaient comme le piédestal. Telles étaient ces sociétés, telle serait encore la société qui cesserait de marcher dans la voie de la richesse.

Le monde a vu, il n’y a pas bien longtemps, il voit encore, grâce à Dieu, des peuples se mettre en quête de plus de justice dans leurs lois, de plus d’équité dans leurs relations est-ce qu’en même temps et par cela même ils ne s’en promettent pas plus de bien-être ? Est-ce qu’à plus de vérité, d’idéal passant dans les institutions ne correspond pas invinciblement l’espérance d’une plus grande somme de bonheur, d’une vie plus douce, plus sûre et plus aisée ? Le contraire n’est pas moins vrai. Lorsque, par suite de circonstances favorables, un peuple a pu acquérir un développement assez considérable du côté de la richesse, il se dégage pour ainsi dire de son sein des besoins d’un ordre supérieur, d’abord parce qu’il est naturel à l’homme qu’une fois assuré du pain que réclame la vie matérielle, il aspire avec énergie à tout ce qui donne pâture à l’imagination, au sentiment, à ce besoin de vérité dont il est comme assiégé, ensuite parce que dans sa prudence il comprend que ces biens matériels ne peuvent lui être acquis à titre durable s’il n’obtient des garanties régulières, permanentes dans le respect des principes, sans lesquels la propriété, le travail, la richesse, le déploiement entier des forces humaines sont mis à la merci de la violence ou de l’arbitraire. Voilà en grande partie pourquoi les États riches, comme la Grande-Bretagne et la Hollande, ont