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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET L’ÉTAT.

récemment encore nous l’avons vu mettre fin à l’esclavage colonial, qu’il a contribué à faire cesser la longue et dure oppression au sein de la famille de la femme par le mari, de l’enfant par le père ; je sais gré en un mot à l’État d’avoir assis la loi une, égale, juste, charitable enfin dans une certaine mesure, sur les ruines de brutales autocraties. Bien des fois l’État s’est montré l’intelligent organe des besoins généraux et de la raison publique la plus avancée. Même aujourd’hui il doit avoir d’autres fonctions que celles qui le réduisent avec une stricte parcimonie à la police, à la perception de l’impôt et à la défense armée du territoire. Mais quelle sera la règle de cette prise de possession qui apparait tantôt comme étant d’une absolue nécessité, tantôt comme facultative, selon l’expression de M. John Stuart Mill ? On ne saurait guère en indiquer une autre que l’utilité démontrée, et comment nier que le principe de l’utilité soit sujet à des interprétations plus ou moins élastiques ? Ne peut-on pas poser comme règle pourtant qu’il ne suffit pas que l’intervention de l’État soit avantageuse à quelques égards pour être légitime, qu’il faut qu’elle soit plus avantageuse sensiblement que ne le serait l’initiative individuelle. Il y a en effet beaucoup de cas où un moindre bien opéré par les individus ou les associations libres vaut mieux qu’un plus grand bien effectué par l’État, parce que, encore une fois, à côté du bien immédiat il faut voir l’effet éloigné, et que d’empiétement en empiétement, sous prétexte de philanthropie, l’État finirait par se substituer à l’activité privée. Une autre condition, c’est que cette intervention travaille elle-même autant que possible à se rendre inutile. Elle n’est qu’un pis aller. La mesure même du progrès est dans la masse des choses que les individus sont capables de faire par eux-mêmes. L’idéal socialiste surcharge l’État d’attributions de tout genre. L’idéal économiste tend à réduire successivement même le nombre de celles qui sont en quelque