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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

que la nécessité d’étouffer au nom d’une idée toutes les résistances sera érigée en principe et légitimée en fait, tant que l’on trouvera que la Montagne a bien agi en mettant la France sous les pieds de Paris, tant que l’on ne s’apercevra pas que la Terreur a suscité elle-même ces résistances qu’on la montre employée uniquement à réprimer, qu’elle en a été bien plus la cause que l’effet, on laissera toujours soupçonner que ce zèle décentralisateur que manifestent quelques-uns de nos démocrates ne tiendrait pas à un moment donné contre la tentation de soumettre à tout prix les résistances qui viendraient des départements. Aujourd’hui la décentralisation est devenue un parti se composant de tous ceux qui pensent que des foyers d’activité et de vie, les uns moins grands, les autres plus, doivent coexister au sein de la grande nation, de tous ceux qui sont convaincus que l’individu lui-même ne peut acquérir toute sa valeur qu’à ce prix, de tous ceux enfin qui estiment qu’il y a une sorte de contre-sens dans des lois qui admettent le premier venu à l’exercice des droits politiques les plus élevés et qui refusent aux plus éclairés et aux plus capables toute participation aux droits les plus modestes. Singulière anomalie qui mène à tout remettre entre les mains de la capitale et qui lui refuse jusqu’au droit d’intervenir par son vote et par son contrôle dans ses propres affaires !

Voulez-vous que le travail soit vraiment libre, que le régime de l’autorisation préalable cesse de peser sur lui, que l’activité féconde des individus se substitue à la lente activité des bureaux, trop souvent à la paralysie ? Décentralisez. Voulez-vous que le travail intellectuel multiplie ses centres et ses foyers, étende son rayonnement, redouble sa puissance ? Décentralisez !