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LA DÉCENTRALISATION.

avec le développement plus grand encore des attributions du canton, n’est pas un problème à beaucoup près aussi difficile que la conciliation de la liberté provinciale avec la part de centralisation nécessaire dans un pays tel que la France.

On peut émettre de pareils voeux aujourd’hui sans devenir suspect aux yeux de la démocratie de ce fédéralisme qui a si mal réussi aux Girondins, ou plutôt qu’on a si perfidement exploité contre eux ; car les Girondins n’ont mérité ni ce reproche ni cet éloge, et tout leur prétendu fédéralisme a consisté à faire des appels désespérés au soulèvement des départements contre l’oppression de Paris, et à chercher en Normandie un asile au sein d’une insurrection commencée sans eux et dirigée par des royalistes tels que MM. de Wimpffen et de Puisaye. Pourquoi donnerait-on le nom de fédéralisme à une organisation qui laisserait subsister entre la France et les États-Unis les différences les plus profondes ? Applique-t-on cette expression à la Belgique, dont la province jouit de si grandes libertés ; à l’Angleterre, dont le comté est si animé, si vivant d’une vie originale, si fécond en hommes distingués qui commencent à s’y former avant de se déployer sur un plus grand théâtre ? Si les provinces, à l’époque de la Révolution, n’étaient plus que la lettre morte de nationalités éteintes, bonne tout au plus à perpétuer de vieilles rancunes et de folles prétentions, si l’exercice simultané de franchises sans hiérarchie et sans frein aboutissait à une anarchie déplorable, évitons tout ce qui ressemble à une réaction, même dans les mots, contre l’unité nationale. L’idée de fédéralisme présentera toujours au génie et, si l’on veut, aux préjugés de la France une signification blessante et antipathique. Mais là n’est pas le danger. Il faut que la démocratie consente ici comme ailleurs à se faire libérale. Il est à désirer en ce sens qu’elle modifie sa philosophie politique en ce qui touche la Révolution. Tant