Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
LA DÉCENTRALISATION.

cela la circonscription départementale est aujourd’hui un milieu trop étroit. Le chef-lieu ne présente pas à l’activité et au talent un théâtre suffisant ; le public n’y est pas assez nombreux ; il n’y est pas assez varié ; il n’y est pas assez riche pour donner au travail, aux efforts, au mérite enfin les excitants dont il a besoin, pour lui accorder une rétribution en renommée et en argent qui prévienne l’émigration du talent. Supposez au contraire six ou sept départements réunis en une seule région, centre politique, intellectuel et industriel, se gouvernant avec une certaine liberté en dehors de tout ce qui touche à l’unité nationale, votant son impôt et en dirigeant l’emploi à sa convenance, nommant ses fonctionnaires de presque tous les ordres, dans l’enseignement, dans le génie civil, etc., etc., sauf ceux qui représentent nécessairement le pouvoir central à la tête des grands services, vous vous serez placé dans les conditions les plus favorables au développement de la vie locale et à l’accomplissement du progrès général. Tout ce qui languit sous l’empire d’une centralisation écrasante pourra renaître et refleurir. Le patriotisme provincial aura un centre et une expression. Le vice des déplacements perpétuels sera guéri. Au lieu d’administrateurs mobiles, campés plus que domiciliés, on aura à Lyon, à Bordeaux, à Marseille, à Rouen, à Dijon, à Strasbourg, etc., une administration locale composée d’hommes choisis par leurs concitoyens, attachés au sol par affection et par intérêt, par tous les liens de fortune, de famille, de considération, connus de tous et ne pouvant ainsi échapper à aucune responsabilité, bien au courant de tous les besoins et de toutes les ressources, et sachant en conséquence où porter leurs efforts[1]. Les

  1. M. Élias Regnault, qui développe ce plan, s’est souvenu des plans de Turgot et de Necker relatifs aux assemblées provinciales, à ces assemblées dont un autre écrivain M. L. de Lavergne,