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LA DÉCENTRALISATION.

rendre à la province le rôle qui lui appartient ? Nous avons assez fait de décrets depuis 1789 pour savoir quelle en est la valeur. On ne rend pas la vie à ce qui n’est plus ; mais on peut réunir, coordonner, fortifier dès lors les éléments de la vie qui existe ; c’est ce qu’on appelle organiser. Si cette entité qu’on persiste à appeler la province était morte, on ne la ressusciterait pas à coups de décrets ; mais si, pour qu’elle vive complétement, il suffisait de lui permettre d’exister et de lui en fournir quelques moyens qui l’y aidassent, l’entreprise serait-elle aussi chimérique ? Pour rendre à la province plus de vie et de légitime et utile indépendance, que faut-il ? D’abord fortifier et étendre les attributions des conseils généraux. Jusqu’à présent ces conseils sont à peu près réduits à émettre des vœux. Ils exercent peu d’action, se réunissent une fois l’an pour quelques jours, et leur rôle consiste presque tout entier à donner à l’administration préfectorale un bill d’indemnité. C’est là ce qu’il importe avant tout de modifier. Des conseils généraux qui feraient les affaires du département, qui participeraient à l’administration départementale par des votes, précédés de discussions approfondies, qui siégeraient plusieurs mois, deviendraient comme autant de centres et de foyers qui rendraient aux départements l’activité régulière et l’esprit d’initiative trop absents chez eux jusqu’à présent.

Où en est-on aujourd’hui en fait de mesures décentralisatrices de ce genre ? Uniquement à remettre à la décision des préfets les affaires ressortissant naguère des bureaux. Ce n’est pas toujours beaucoup mieux. Les préfets sont des potentats. Je ne veux pas en médire. Mais leur joug n’est pas léger. Demandez-le aux fonctionnaires. Demandez-le à leurs administrés.

Accroître les attributions des conseils généraux serait un immense bienfait. Qui sait si un jour ils ne seront pas appelés par une constitution révisée à nommer le Sénat ?