Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Qu’avant tout donc l’émigration soit libre ! À ce prix, elle donnera lieu à une industrie régulière, et spontanément elle ira où le besoin l’appelle. La tâche des gouvernements se réduit à une œuvre de protection, tout au plus d’aide modérée dans certaines circonstances. Éclairer l’émigration, assurer l’exécution des contrats, aider à garantir contre les fraudes du charlatanisme des esprits ignorants, n’est-ce pas déjà beaucoup faire pour la réussite ? Quant aux colonies, nul succès sans la liberté personnelle et sans la garantie de la sécurité. C’est par là que les Anglais, avec des qualités bien moindres de sympathie et d’assimilation, ont élevé si haut la prospérité de leurs colonies et agrandi par elles la puissance de la métropole. Justes contre le vieux régime colonial, les critiques des économistes manqueraient d’exactitude et de portée contre la libre colonisation. L’importation et l’exportation libres des hommes sont un corollaire de la liberté du travail, elles ne sont pas moins fécondes en grands résultats que l’échange libre des produits[1].



  1. Le livre de M. Jules Duval, intitulé Histoire de l’émigration, est un remarquable plaidoyer en faveur de ces vérités, plaidoyer éloquent comme le chiffre qui porte une irrésistible conviction dans les esprits comme l’accent sincère d’une intelligence qui sent la grandeur du sujet qu’elle embrasse. Ce sujet, on peut dire que M. Jules Duval l’a épuisé, et qu’après avoir porté sur quatre-vingt-trois pays l’enquête la plus complète et un coup d’œil des plus sagaces, il n’a plus laissé qu’à glaner à ceux qui viendraient après lui. Honoré des suffrages de l’Académie des sciences morales et devenu l’objet, de la part de deux de ses rapporteurs. MM. H. Passy et Franck, d’éloges qui dépassent la mesure ordinaire des louanges accordées aux lauréats, son livre a reçu le même accueil chez tous les hommes compétents. Il est lu en France et hors de France. Le talent de l’écrivain et les vues élevées de l’ouvrage y sont pour beaucoup ; mais le merite des plus patientes et des plus exactes recherches pouvait seul en faire ce qu’il sera, un livre longtemps consulté.