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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

désobstrue, il y a un vide qui se comble. Ainsi sont prévenues, là les congestions qui naissent de la pléthore, les explosions qui résultent d’une accumulation trop forte de la vie qui cherche à tout prix un dégagement et une issue, ailleurs les langueurs ou les lacunes qui seraient l’effet d’une insuffisance de forces productives. Quelles masses de travaux les États-Unis n’ont-ils pas tirés de l’émigration ! Elle leur a apporté plus de 6 millions de travailleurs libres, 2 millions d’hommes de plus que le Sud ne compte d’esclaves. Mais aussi quels puissants appâts ! Un sol en grande partie inoccupé, la terre presque pour rien, très-féconde quoiqu’au prix d’immenses labeurs, la liberté de travail, d’association, de religion, toutes les libertés politiques, provinciales, communales, la naturalisation rendue facile, et, à son défaut, toutes les garanties que donnent à l’étranger la presse libre et des tribunaux impartiaux ! Contre de tels attraits, on peut compter pour presque rien l’hostilité égoïste et stupide de la meute aboyante des knownothing refusant d’admettre les étrangers.

Achever d’exploiter le globe, dont la plus grande partie reste à peupler et à cultiver, porter de 1 milliard à 5 ou 6 milliards sa population, quelle carrière ouverte à l’humanité ! Qui peut dire pour quelle part figurera l’émigration dans cette œuvre gigantesque ?

Pourquoi nos ouvriers, nos paysans n’y joueraient-ils pas leur rôle ? Ce n’est pas que je pense que la France ait ici les mêmes destinées que l’Angleterre, ce n’est pas que je partage les craintes qu’inspire quelquefois ce lent accroissement de notre population comparé avec l’exubérance prolifique de la Grande-Bretagne. Je n’envie pas pour nos prolétaires, si un pareil mot peut s’appliquer aux ouvriers français, le bonheur des Irlandais émigrants. Ici la réaction contre la théorie de Malthus sur la population va trop loin. Sans doute il ne faut pas abuser de la contrainte morale tant recommandée par l’éco-