Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
L‘ÉMIGRATION LIBRE DES TRAVAILLEURS.

précieux s’ils s’occupent seulement d’empêcher qu’on n’abuse par de faux récits l’imagination facile à exalter de gens qui souffrent. Nul acte n’est plus sérieux que l’émigration ; nul ne peut être plus dommageable. Trop souvent le malheureux émigrant n’a d’autre alternative que celle de la mort, loin des siens, précédée des privations les plus dures, des plus pénibles souffrances, ou d’un retour dans des circonstances pires que celles où il était au départ. Beaucoup sont ainsi retombés de l’Eldorado qu’ils avaient rêvé d’un degré plus bas au fond de leur misère. Il faut donc employer tous les moyens de publicité qui peuvent fournir aux futurs émigrants les éléments d’une suffisante information ; réclamons aussi les bonnes conditions du départ, du transport, de l’arrivée réclamons la bienveillante sollicitude des agents consulaires, patrons naturels des nationaux émigrés. En somme, l’émigration est un bien non seulement pour le pays d’où part un excédant parasite, mais pour les émigrants, et on a eu raison de dire « Les millions envoyés aux familles, les appels des parents, les villes qui se fondent, les champs qui se couvrent de fermes et de cultures, les forêts qui tombent sous la hache et dont les navires apportent les bois ; les communes, les parlements, les gouvernements qui naissent de ces multitudes, parties d’Europe pauvres et ignorantes, quels meilleurs témoignages voudrait-on de la prospérité générale des émigrants[1] ? »

Quant aux pays de destination, le bien n’est pas moins certain. Ils reçoivent des apports supplémentaires d’intelligences et de bras qui ne viennent là que parce qu’il y a des champs à féconder, des mines à fouiller, des richesses à créer par l’industrie. Le travail tend à prendre partout son niveau sur le marché du monde par une loi analogue à celle qui régit les liquides. À côté d’un trop plein qui se

  1. M. Jules Duval, Histoire de l’émigration· p. 442.