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L’ÉMIGRATION LIBRE DES TRAVAILLEURS.

violentes que la révocation de l’Édit de Nantes ne sont même pas nécessaires. Les Irlandais et les juifs en certains pays n’ont pas besoin qu’on leur enjoigne expressément de s’en aller, il suffit qu’on ne s’y oppose pas. Mais s’il n’est pas raisonnable d’exiger que les gouvernements se fassent à eux-mêmes de pareils aveux, et s’ils ont la naïve conviction que ceux qu’ils retiennent de force sont trop heureux de la violence qu’on leur fait, c’est une raison de plus de les éclairer sur les vrais effets que l’émigration a presque toujours sur les lieux d’où elle part.

Eh bien ! cet effet est généralement favorable pourvu que l’émigration soit libre. On a coutume de dire que l’émigration est bonne pour les pays d’où elle émane, quand ceux qui partent consomment plus qu’ils ne produisent, et qu’elle est mauvaise dans l’hypothèse contraire. Rien n’est en généra! plus fondé. Mais n’arrive-t-il pas quelquefois que dans le cas même où les individus qui émigrent produisent plus qu’ils ne consomment, le pays d’où s’échappe l’émigration gagne pourtant à leur départ ? Oui, c’est quand les envois de capitaux à leurs familles, ou quand leur retour avec une fortune laborieusement acquise deviennent des éléments de prospérité supérieurs à ceux qu’ils enlèvent en s’en allant. Ce cas n’est pas si rare qu’on serait tenté d’abord de le croire. L’émigration a d’ailleurs des avantages pour ceux qui restent. Les ouvriers y gagnent l’élévation des salaires par la diminution du nombre des bras. Les entrepreneurs y gagnent un accroissement dans les profits par la diminution de la concurrence. Ajoutons que la baisse des prix des articles de consommation résulte d’une moindre demande. Enfin, par suite de toutes ces causes, la facilité donnée aux épargnes pour se former est accrue. Il faudrait, pour compenser de tels biens, une véritable dépopulation de la contrée quittée par les émigrants, fléau san exemple dans des pays où règne même l’aisance la