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L’ÉMIGRATION LIBRE DES TRAVAILLEURS.

résulté ? Ce qui résulte de tout arbitraire. La loi y est éludée ; elle voulait prohiber le mariage ; elle ne réussit qu’à multiplier le nombre des unions illégitimes et des enfants naturels ; elle voulait protéger le bien-être de la famille, elle a détruit la famille elle-même.

II

À la question de la population se rattache l’émigration des travailleurs. Elle ne se rattache pas moins étroitement à celle de la liberté des travailleurs. La liberté du travail n’est pas, en effet, seulement la liberté de travailler comme l’on veut, mais l’on veut.

Les uns y ont vu un remède suffisamment efficace aux excès de population ; les autres semblent n’en avoir montré que les misères.

Nul sujet n’a plus de grandeur que l’émigration, nul n’a plus d’opportunité en présence de l’immense mouvement d’émigration européenne dont nous sommes témoins. Le travail, obéissant à la loi de liberté, cherche partout, comme le capital, à prendre son niveau.

Comment ne pas reconnaître avant tout que l’émigration a une grande signification historique, une portée civilisatrice  ? Il faut la constater sous peine de rapetisser tout ensemble et de fausser la question. Cette grande question de l’émigration ne s’éclaire complètement et ne peut être bien appréciée au point de vue des intérêts populaires et généraux, que si elle reçoit sa lumière d’en haut, c’est-à-dire de la philosophie de l’histoire.

Est-ce seulement aux individus que s’applique le mot Vœ soli ! Non : on peut dire aussi : Malheur aux nations qui se ferment aux rapports avec le reste du monde ! Malheur aux familles qui restreignent à l’excès le cercle de leurs alliances ! Elles trouvent dans l’abâtardissement physique et moral la confirmation, à leurs dépens, de cette