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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

tout faire ; que ce n’était pas pour rien que la Providence avait créé des individus et donné à ces individus une liberté et les moyens de s’en servir ; il a critiqué ces encouragements factices au développement de la population, qui aussi bien s’encourage assez d’elle-même, ces primes honnêtement applicables pour ce qui regarde les chevaux et pour les boeufs, mais quelque peu honteuses quand il s’agit d’hommes et de chrétiens ; il a enseigné que le nombre des naissances est un criterium fort insuffisant et des moins infaillibles de la prospérité nationale, qu’il y faut encore la diminution dans le nombre des décès et l’augmentation de la vie probable et moyenne. Quelle abomination enfin que d’avoir montré que la taxe des pauvres, telle qu’elle existait alors en Angleterre, et divers moyens plus ingénieux les uns que les autres, imaginés par les utopistes réformateurs, ne résolvaient pas le problème de l’aisance générale !

Système faux, parce qu’il est exagéré, vérités sévères, philanthropie éclairée, voilà Malthus. On l’a outré encore. La pensée de restreindre le développement de la population par des mesures légales et préventives n’est pas moins condamnable, selon nous, que celle de le développer par des encouragements factices. Nous regrettons vivement que plusieurs économistes aient approuvé ces mesures attentatoires à la liberté individuelle. S’il est au monde un droit qui relève uniquement de l’initiative personnelle, n’est-ce pas celui de se marier bien ou mal ? Suffira-t-il qu’un individu ne puisse justifier d’un certain avoir et de moyens assurés d’existence pour que la société mette son interdit sur un acte qu’elle juge imprudent ? Est-il vrai que l’intérêt général s’accommode de cette usurpation ? La réponse peut être empruntée à l’expérience. Dans plus d’un petit État notamment en Allemagne, cette interdiction posée en règle par un célèbre économiste, John Stuart Mill, a force de loi. Qu’en est-il